Des Paroles de Poilus . .
A quoi bon leur raconter la vie du front ?
Ils ne peuvent pas comprendre
Alors, bien vite, on reprend le train
Pour
retrouver les copains, ceux de l'avant
Quand ils ne sont pas morts entre-temps, dans les lignes |
XXX Inconnu |
J'ai reçu, ce jour, deux lettres d'amis restés au pays. |
Je constate beaucoup d'enthousiasme dans ces deux lettres-là. |
Se peut-il que les journaux aient tant d'influence pour que des esprits intelligents
et si différents acceptent, |
sans chercher plus loin, leurs comptes-rendus et leurs jugements... |
Chers amis, vous vous imaginez que la guerre, |
La Guerre , c'est la lutte contre un ennemi invisible et qu'on sait
fortement retranché, décidé à vendre chèrement sa vie. |
Depuis quatre semaines que nous sommes sur le front de la bataille, personne n'a
vu un Allemand ! |
Sont-ils là-haut, à la corne de ce plateau, ou parmi les betteraves ? |
Ces ombres qui se déplacent en sont peut-être ? Mystère... |
Personne ne le sait. Personne ne nous l'a dit. On nous a seulement recommandé de
ne pas tirer, car des Français sont devant nous. |
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La Guerre , c'est la marche, la nuit, dans des chemins creux boueux,
défoncés, montagneux, où il faut des
miracles d'équilibre pour ne pas tomber. |
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C'est la recherche de son emplacement pendant des heures. |
C'est le fait de rester couché, quand on est à découvert, pour éviter les balles
qui vous arrivent de partout. |
C'est la marche, courbé, dans des boyaux tortueux ou dans des tranchées. |
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La Guerre, c'est le travail de nuit, pour creuser, creuser toujours
ou bien le travail de jour, accroupi, |
à genoux ou assis, avec la crainte des obus qui, souvent, vous passent sur la tête. |
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La Guerre, c'est encore l'habitude qu'il faut prendre de toutes les
promiscuités. |
Vous mangez à côté des ordures qui sont partout, vous marchez dedans et vous vous
couchez dedans. |
Vous êtes d'une saleté repoussante. Vous mangez avec des mains pleines de terre
ou de boue. |
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La Guerre, c'est quelquefois la bataille, mais toujours contre un ennemi
invisible et qui vous voit : |
comme le 08 octobre, dans les betteraves, où pas un des nôtres n'a tiré une cartouche
: |
comme le 20 octobre à Vingré, où le 298° a perdu mille deux cents hommes |
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Enfin, la Guerre, c'est le manque de nouvelles. |
C'est le dégoût de tous, pour une boucherie pareille, à notre siècle prétendu civilisé. |
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La Guerre , c'est l'angoisse qui vous étreint quand vous entendez
le râle des mourants ou les plaintes des blessés qui
souvent meurent au coin d'un bois ou dans un champ, faute de soins. |
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La Guerre, c'est la sensation très nette que bien des chefs se moquent
de la vie d'un homme. |
Enfin, la Guerre, c'est l'attente de la mort pour un moment imprévisible, mais qui
viendra sûrement, le jour |
où on nous lancera contre ces mitrailleuses, ces fusils, ces canons invisibles qui
nous entourent et qui nous guettent. |
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La vermine,
les rats,
les fils de fer barbelés,
les poux,
les obus,
les bombes,
les souterrains,
les cadavres,
le sang,
l'alcool,
les souris,
les chats,
l'artillerie,
la saleté,
les balles,
les mortiers,
le feu,
l'acier. |
Voilà la guerre. C'est l'oeuvre du diable. |
Je me trouve dans un dépôt d'éclopés avec un répit de 3 jours |
Là, règne la peur... muette |
Je vais voir les blessés, 3 français, 2 allemands |
On les a trouvés dans le même trou d'obus, où ils étaient restés 7 jours |
Plusieurs d'entre-deux avaient bu leur urine, pour calmer la soif |
Nous haletons, torturés par la soif |
Nos bidons sont vides où ne contiennent plus qu'une eau tiède, fétide, dont le goût
de fer donne la nausée |
La soif est toujours la grande souffrance |
On s'ingénie de mille façons pour la tromper |
Les poilus ont la patience de la recueillir dans des cornets, goutte à goutte, |
pendant des heures, l'eau sale qui suinte et dégouline des murs, |
Quelques uns lèchent les pierres |
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Les premiers blessés sont apportés |
Il en arrive de toutes parts |
Tout est occupé, jusqu'au moindre recoin |
C'est l'engouffrement par toutes les ouvertures, par toutes les fissures |
de ces pauvres poilus qui tombent dans nos bras, hébétés, hagards |
Les yeux fichés par l'horreur de ce qu'ils ont vu |
et les traits contractés par la douleur et les troubles |
souffrance surhumaine qu'ils éprouvent |
L'un entre-autre et dans un état pitoyable de prostration et d'anéantissement |
Sentant l'urine et les matières fécales |
et dégageant une odeur de cadavre |
Ce pauvre diable, blessé par les éclats d'obus qui lui ont broyés la cuisse |
est resté pendant 2 jours, à moitié enfoui, |
dans le trou que l'obus meurtrié avait creusé, |
contre le cadavre d'un de ses camarades, tué à côté de lui |
J'ai vu là des soldats couverts d'une telle quantité de poux |
que les différentes parties des pansements en étaient envahis jusqu'aux plaies |
C'est une vraie boucherie, pleine de sang et de râles |
Prés d'une bougie, l'aumônier, les mains pleines de sang, n'arrête pas de panser
les blessures |
Je dors debout, du moins je somnole |
Je vis comme un automate |
Mon blessé pousse des cris horribles |
et d'autres encore, alignés le long du mur, près à être évacués, hurlent comme des
forcenés |
Les cris de souffrance nous masquent une canonnade formidable |
Les morts sont entassés pèle mêle, les uns sur les autres |
comme des choses devenues sans intérêt |
Puis allongés par terre, côte à côte et soigneusement ensevelis dans leur linceul |
les pieds joints, les mains croisées sur la poitrine |
quand ils possèdent encore des mains et des pieds |
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Dehors,
les pieds aussitôt engloutis, je secoue les paquets de boue glaciale qui ,pèsent autour de mes deux mains. |
C'est la désolation. Des corvées égrenées hors des boyaux impraticables, et qui
tâtonnent entre les trous d'obus. |
Quant à ma pauvre tranchée, c'est un bourbier ignoble..., écroulé de partout où
la boue molle, triturée jusqu'à profondeur de genou, alterne avec l'eau sale, |
semée d'épaves flottantes.... |
J'entreprends de franchir les cinquantes mètres de boyau qui me séparent de la première
ligne. |
Je reprends ma marche, les jambes écartées, enjambant la terre meuble des éboulements,
sondant prudemment la fange qui nivelle les trous. |
Et
malgré tout, parfois, le bout de bois, le coin du sac vers lequel j'ai calculé mon élan s'enfonce, la boue aspire
ma jambe, l'empoigne, la craponne, la paralyse; il
me faut peiner durement pour la retirer. Du fond du trou, aussitôt rempli d'eau, mon pied ramène un enchevètrement
de fils dans lequel je reconnais |
tout le réseau téléphonique, agrafé d'ordinaire le long de la paroi, et que celle-ci
a entraîné en tombant. |
Justement voilà le téléphoniste qui répare les lignes, la face contractée sous les
aiguilles de la pluie. |
"Vous parlez d'un fourbi !... Rien ne veut tenir là-dedans. C'est de la boue
et du cadavre." Oui, du cadavre. Les vieux morts des combats d'automne, qu'on avait enterrés sommairement
dans le parapet, réapparaissent par morceaux dans l'éboulement des terres... |
Tout à coup, un mouvement se fait, une file d'êtres fangeux et suants apparaît,
ployant sous des sacs énormes ou des marmites: les cuistots. |
On est crevé, on n'en peut plus. Pas de café, on l'a chaviré en route. Et Martin
est tombé dans un trou plein d'eau avec le sac des boules. |
C'a doit faire une fameuse panade là-dedans ! ... |
Ils
ne protestent pas; ils savent que tout est misère dans ce monde de misère. Ils remplissent leurs gamelles et mangent
silencieusement leur ratatouille froide, boeuf bouilli,
pommes de terre vinégrées, en se penchant dessus pour la préserver de l'eau et de la terre; mais ils ont les mains
glaiseuses et le pain qu'ils ont touché crie sous leurs dents. |
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Je suis arrivé ici avec 175 hommes Et je repars avec 34 dont plusieurs à moitié
fous |
Ce secteur est un vrai charnier |
nous avons payé cher, très cher la conquête de la forteresse |
Des jours et des nuits, de part et d'autres |
Nous avons été des bouchers |
En entrant, un spectacle effroyable s'offre à mes yeux |
L'intérieur
du fort était intenable, pestilentiel, ignoble |
Fumée de mazout, cadavres dans les recoins |
Infirmerie obscure, pleine de blessés graves |
Où régnait une odeurs de chlore, de pourriture |
Des blessés qui s'étaient traînés, |
trouvés couchés au milieu de caisses en morceaux |
de paillasses déchirées, de bouteilles cassées, de fusils |
Partout des excréments et des tas de boites de conserves |
Des visages ensanglantés où l'on ne voit, plus qu'un oil |
Des épaules arrachées |
Les cadavres allemands y étaient nombreux et mêlés aux débris |
D'autres ont été projetés sur les fers du béton du fort |
et sont restés suspendus |
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ECRIVAINS & POETES DISPARUS durant la GRANDE GUERRE
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Guillaume |
APOLLINAIRE
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1918 |
Paris |
09/11/18 |
Grippe |
Raymond |
ASQUITH
|
1916 |
Somme |
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Jean Marc |
BERNARD |
1915 |
Artois |
05/07/15 |
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Rupert |
BROOKE
|
1915 |
Orient |
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Emile |
CLERMONT
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1916 |
Champagne |
05/03/16 |
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Louise |
de BETTIGNIES
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1918 |
Cologne |
27/09/18 |
|
Etienne |
DERVILLE
|
1918 |
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12/06/18 |
|
René |
DORME
|
1917 |
|
25/05/17 |
|
Robert |
DUBARLE
|
1915 |
Ht Rhin |
15/06/15 |
|
Marcel |
ETEVE
|
1916 |
Somme |
20/07/16 |
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Alain |
FOURNIER
|
1914 |
Meuse |
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Georges |
GUYNEMER
|
1917 |
Belgique |
11/09/17 |
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Paul |
LINTIER
|
1916 |
Champagne |
15/03/16 |
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Hermann |
LÖNS
|
1914 |
Champagne |
15/10/14 |
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Wilfred |
OWEN
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1918 |
Sambre |
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Robert |
PALMER
|
1916 |
Mésopotamie |
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Charles |
PEGUY
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1914 |
Marne |
04/08/14 |
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Louis |
PERGAUD
|
1915 |
Meuse |
08/04/15 |
|
Ernest |
PSICHARI
|
1914 |
Belgique |
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|
Alan |
SEEGER
|
1916 |
Somme |
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Cameron |
WILSON
|
1918 |
Somme |
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BLESSES |
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REFORME |
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Guillaume |
APOLLINAIRE
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1916 |
Champagne |
17/03/16 |
trépané |
Henri |
BARBUSSE
|
1916 |
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réformé |
Philippe |
BARRES
|
1918 |
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Jean |
BERNIER
|
1915 |
Champagne |
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Roger |
CAMPANA
|
1916 |
Meuse |
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Charles |
DELVERT
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1916 |
Blessé 4 fois |
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Etienne |
DERVILLE
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1914 |
Marne |
16/09/14 |
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Fabrice |
DONGOT
|
1914 |
|
22/12/14 |
trépané |
Maurice |
GENEVOIX
|
1915 |
|
25/04/15 |
|
Henri |
MASSIS
|
1915 |
Artois |
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Jacques |
MEYER
|
1916 |
Somme |
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André |
PEZARD
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1916 |
Vauquois |
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réformé |
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